MISSISSIPPI ET MISSOURI

MISSISSIPPI ET MISSOURI
MISSISSIPPI ET MISSOURI

Drainant un bassin de 3 238 000 km2, ce qui représente près des deux cinquièmes du territoire des États-Unis, le Mississippi-Missouri, dont le cours s’étend sur 6 800 km, est la plus longue artère fluviale du monde. Son débit moyen à l’embouchure, égal à 18 000 m3/s, est de beaucoup supérieur à celui des fleuves des régions extratropicales: il équivaut à neuf fois celui du Rhin, Meuse comprise, douze fois celui du Rhône ou du Pô; il ne représente, pourtant, que le quart de celui du Congo, le cinquième de celui de l’Amazone. Des précipitations beaucoup moins abondantes que dans le domaine intertropical, une évaporation estivale plus active que dans la plupart des régions tempérées fixent l’abondance spécifique globale du fleuve à un niveau médiocre (5,9 1/s/km2), voisin de celui des artères sibériennes, par exemple.

La conjonction de trois cours d’eau

Ces chiffres masquent la complexité d’un bassin étendu des Appalaches aux Rocheuses, de la bordure sud des Grands Lacs au golfe du Mexique et soumis à des régimes pluviométriques fort différents. Dans l’ensemble, le bassin s’étend en plaine, quoique de petites portions soient comprises dans les Rocheuses et les parties hautes des Appalaches, si bien que, comme la pente du tronc principal est faible, l’écoulement est lent et la plaine inondable couvre 90 000 kilomètres carrés.

Né sur le plateau, au modelé fortement marqué par la glaciation quaternaire qui borde, au sud-ouest, le lac Supérieur, le Mississippi se dégage lentement d’un dédale de lacs, de marais et de tourbières. Son cours subit l’influence des contre-pentes d’origine glaciaire jusqu’à la confluence avec le Missouri: détourné de son lit primitif par des obstructions morainiques, il ne le rejoint qu’au prix de rapides et de chutes qui ont fixé l’emplacement de centrales hydrauliques: Keokuk, et de villes: Minneapolis. Le régime du fleuve, de type nival de plaine à l’amont, évolue lentement vers le type pluvio-nival de plaine à l’approche du confluent avec le Missouri. Le Mississippi roule alors, à Saint Louis, 3 000 m3/s en moyenne, ce qui représente un module relatif de 6,3 1/s/km2 pour le haut bassin, contre 2 200 m3/s à son affluent.

Ce dernier draine de vastes plaines dont le climat prend une nuance aride de plus en plus marquée en direction du sud et de l’ouest. C’est pourquoi le Missouri, bien que plus long que le Mississippi supérieur (son cours mesure 4 740 km pour un bassin de 1 370 000 km2), n’a pas été considéré comme le tronc principal. Le régime du Missouri se distingue de celui du Mississippi supérieur par un minimum d’hiver plus marqué, témoignant d’une rétention nivale importante ainsi que de la faiblesse des précipitations en cette saison. Le maximum de juin est d’origine pluviale, mais renforcé par les eaux de fonte des neiges des Rocheuses. Le caractère souvent brutal de ces précipitations estivales, qui ne cesse de s’exagérer vers le sud, joint à la faible résistance mécanique des roches du bassin, valent aux eaux du Missouri une très forte turbidité spécifique: 2,7 kg/m3, qui justifie le qualificatif de big muddy attribué au fleuve. Le régime de ce dernier manque de pondération, avec des débits extrêmes variant entre 17 000 et 120 m3/s.

Le Mississippi n’est vraiment lui-même qu’après avoir reçu les eaux de l’Ohio. La «belle rivière» des premiers explorateurs français, bien que beaucoup plus courte que le Missouri, apporte au Mississippi 8 000 m3/s, débit supérieur du tiers à celui du fleuve principal au confluent. Les crues de l’Ohio, soudaines et amples, capables d’élever le niveau des eaux de vingt mètres, font refluer les eaux du Mississippi sur 90 km vers l’amont, tandis que des étiages de 60 cm ne sont pas rares sur l’affluent. Ce manque de pondération est dû à l’importance des précipitations sur le bassin (1 100 mm/an), à la fréquence des abondantes averses cycloniques, à la rapidité de l’écoulement, provoquée par la vigueur des pentes moyennes et l’absence de lacs. La tranche écoulée à l’embouchure, qui est de 450 mm, représente 40 p. 100 du total précipité. Cela suffit pour exercer une influence profonde sur le régime du Mississippi inférieur. Celui-ci ne présente plus désormais, à l’aval de Cairo, à l’image de celui de l’Ohio, qu’un seul maximum d’avril et un seul minimum d’octobre; la montée de juin, caractéristique du régime des branches supérieures, étant désormais masquée par l’apport du puissant fleuve appalachien.

Le Mississippi inférieur

Par la suite, le débit n’augmente plus que de moitié, en raison du faible développement des affluents de rive gauche et du médiocre débit des tributaires de rive droite: Arkansas, 1 400 m3/s, Red River, 1 000 m3/s. Les caractères du régime sont désormais fixés. Le maximum d’écoulement correspond à celui des pluies de fin de saison froide, légèrement déplacé vers le printemps par la fonte des neiges, tandis que la conjonction du minimum pluviométrique et d’une évaporation encore notable fixe en octobre-novembre la période des étiages. La régularité du régime laisse pourtant place à des crues redoutables qui se succèdent à raison d’une ou de deux par décennie. Elles résultent, toutes, de pluies prolongées sur l’ensemble du bassin, suivies par de violentes averses affectant les bassins des affluents de rive droite et, surtout, de l’Ohio. Ces cloud bursts (orages) de saison chaude, pouvant survenir d’avril à octobre, donnent jusqu’à 900 mm de pluie en vingt-quatre heures et gonflent d’autant plus le débit des émissaires que le sol a été mieux saturé au préalable. La rencontre des flux élémentaires au niveau du tronc principal provoque alors de véritables catastrophes. Ainsi, en avril 1927, le niveau des eaux s’est élevé de dix-sept mètres à Cairo, quatorze mètres à Memphis, dix-huit mètres à Vicksburg, tandis que, sur une superficie inondée de 73 000 km2, on devait dénombrer deux cents morts. La propagation des crues à partir de Cairo n’a, pourtant, rien de soudain: il leur faut six jours pour atteindre Memphis, vingt et un jours pour parvenir à l’embouchure de la Red River, trente jours pour gagner La Nouvelle-Orléans. Mais l’ampleur des ravages résulte de la forme de la vallée, largement ouverte aux eaux de la crue.

La plaine alluviale, à l’aval de Cairo, est l’œuvre des multiples divagations du fleuve, l’élargissant par le sapement des formations tertiaires, les bluffs , qu’il longe encore, en rive gauche, de Cairo à Memphis puis, en rive droite, à New Madrid et Helena et, à nouveau en rive gauche, à l’aval de Vicksburg. À la surface de la plaine, de nombreux méandres, beaucoup trop amples pour les affluents qui les empruntent, sont autant de témoins d’anciens cours du fleuve. L’instabilité du tracé résulte des processus de l’alluvionnement: les berges du fleuve s’exhaussent en période de hautes eaux, jusqu’à ce qu’une crue importante détermine le changement de cours vers une zone plus basse, et le processus se répète indéfiniment. Comme les affluents, dont les rives se relèvent moins vite que celles du fleuve principal, ne parviennent à rejoindre celui-ci qu’après avoir coulé longtemps parallèlement à lui, la plaine se divise en bassins plus ou moins indépendants, dans lesquels s’épandent les eaux de crue.

Les beaux méandres réguliers mobiles, qui multiplient par trois la longueur du cours entre Cairo et la mer, réduisent sensiblement la pente longitudinale du fleuve. Cette dernière s’atténue régulièrement, passant, aux hautes eaux, de 0,09 p. 1 000 entre Cairo et Memphis à 0,05 p. 1 000 entre Memphis et Baton Rouge. En même temps, les berges se rapprochent: 1 350 m les séparent à Cairo, 1 200 m vers Natchez, 900 m à Baton Rouge, 750 m à La Nouvelle-Orléans, tandis que la profondeur augmente: 15 m à Cairo, 30 m à La Nouvelle-Orléans.

En aval de Natchez, la plaine alluviale passe au delta, tandis que, la pente devenant presque nulle aux basses eaux, les méandres s’effacent. Les alluvions fines que le fleuve transporte en abondance (400 millions de tonnes par an) s’accumulent sur les berges du chenal, donnant naissance à des levées qui accompagnent le fleuve jusqu’à la mer. En arrière s’étendent des lacs, puis des marais littoraux, sillonnés de bras morts, les « bayous », qui écoulent les eaux de pluie locales ou servent de trop-plein pour les eaux du fleuve en crue. La plus grande partie du delta est morte, tandis que le courant principal s’ouvre un passage vers l’océan en direction du sud-est. À trente-cinq kilomètres de l’extrême pointe, le chenal se divise en trois branches dont l’une, celle du sud-ouest, s’allonge vers le large, depuis plus d’un siècle, à raison de cent mètres par an. Sa progression est facilitée par la médiocrité des marées, dont l’amplitude moyenne est de quarante centimètres, ainsi que par la faible profondeur des eaux de la plate-forme continentale. La présence d’une barre, en accélérant la vitesse de précipitation des sédiments au contact de l’eau salée, contribue à relever l’altitude du fond, ce qui rend le fleuve difficilement accessible aux navires.

Le Mississippi, qui prend sa source à des latitudes relativement élevées pour déboucher dans l’océan au niveau du 290 nord, établit une ébauche de liaison hydrologique entre les mondes tempéré et tropical. La portion de son cours située dans ce dernier est trop brève pour que le régime, modelé par les conditions climatiques de la zone tempérée, ait le temps d’être altéré de manière sensible.

Découverte par Hernando de Soto en 1540, reconnue par le père Jacques Marquette et Robert Cavelier de La Salle, la voie de communication, ouverte entre des domaines géographiques différents, a eu une exceptionnelle importance au moment de l’exploration puis de la mise en valeur de ces contrées jusqu’au milieu du XIXe siècle. Réduite à un rôle fort modeste ensuite, par la mise en place d’un réseau ferroviaire dont les voies transcontinentales, orientées de l’est à l’ouest, soulignent bien les nouvelles lignes de force de l’économie américaine, la navigation sur le fleuve aménagé reprend quelque importance avec le développement économique des pays de l’Ohio et des Grands Lacs, ainsi qu’avec le raffermissement des liens avec les pays de l’Amérique latine et du Pacifique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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